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Témoignage de la Fabrique de Soi

Anne Beghin - Coordinatrice de l'Antenne locale de Tubize Laïcité Brabant wallon
Comment ça va au travail pour le moment, dans ce contexte de confinement ?

Nous nous sommes organisées : Travail à domicile, réunions en vidéo Conférence, Groupe Whatsapp, etc.
Nous sommes en mode « habituation ».
C’est très particulier, très inhabituel pour la Fabrique de Soi de travailler de cette manière car nous sommes quotidiennement en première ligne, au contact des enfants et adolescents inscrits à nos activités.
Dès le premier jour c’est vers eux que nous avons dirigé notre attention. Dès le premier jour nous nous sommes interrogées : Comment garder le lien entre nous bien sûr mais avec nos différents publics. Comment aussi les soutenir à la fois par rapport à ce confinement qui revêt un caractère anxiogène et par rapport à la fermeture de toutes nos activités qui en grande partie sont des activités de soutien aux jeunes et familles.
 

Pouvez-vous décrire en quelques mots votre activité professionnelle en général ?
 
La Fabrique de Soi est une antenne locale du Centre d’Action laïque en Brabant wallon. Elle est reconnue par l’ONE comme école de devoirs. Dans ce cadre nous offrons aux enfants et adolescents, d’octobre à juin, des ateliers et stages de soutien scolaire.
Nous proposons aussi un service d’entraide et de solidarité entre adolescents et enfants. Il s’agit d’un service de tutorat scolaire : Plus de 25 adolescents sont responsables durant un an d’aider un enfant de primaire.
A côté de ce secteur scolaire, nous avons 3 autres secteurs d’activités. Un espace créatif propose des ateliers hebdomadaires, mensuels ; des activités ponctuelles dont des stages et une grande exposition annuelle. Un espace citoyen propose 3 quinzaines citoyennes (Quinzaine des ados, quinzaine de la nature et quinzaine de l’amitié). C’est dans le cadre de cet espace citoyen que nous pilotons chaque année l’Opération Boites à KDO au profit de quelque 900 enfants et adolescents placés et réfugiés. Enfin un espace parole et écoute propose des ateliers de parole pour les enfants et les adolescents ainsi qu’en partenariat avec deux autres services des ateliers de paroles pour parents. Il s’agit des ateliers Kangourous.
De quelle manière avez-vous adapté votre travail ? (lien avec les collègues, avec les usagers)

Entre nous, nous avons créé un WhatsApp qui s’appelle « La Fabrique au ralenti » qui nous permet d’ échanger des petites infos à la fois professionnelles et à la fois de soutien entre nous. En tant que coordinatrice j’organise des réunions en mode visio conférence, une fois par semaine et je prépare des to do list adaptées à chacune de mes collègues, à sa fonction habituelle. Nous échangeons aussi par email.


Nous avons mis en ligne, sur notre site, des activités scolaires et créatives à destinations des enfants de la Fabrique de Soi. Nous avons prévenu par SMS les enfants de ce « service » en ligne.
Nous avons envoyé à chacun des enfants inscrits à la Fabrique de Soi, une carte postale d’encouragement.
Nous avons lancé une opération cartes postales à destination des enfants et jeunes de notre Opération Boites à KDO. 45 participants ont ainsi chacun reçu un « kit de cartes postales avec la liste des prénoms des enfants à qui les adresser. Chaque participant a aussi reçu une enveloppe pré adressée et pré timbrée pour renvoyer ses cartes une fois écrites et illustrées vers les maisons maternelles, centres Fedasil et institutions pour enfants placés (SAAE, SRJ, SASPE).
Enfin, nous avons aussi dû annuler des activités et nous sommes en train de préparer le dé confinement et l’année prochaine.
 
Quelles sont les questions qui se posent dans votre travail dans ce contexte? 
La question de la durée du confinement se pose. C’est une question très pratique qui se pose à tout le monde. Pendant combien de temps allons-nous pouvoir travailler de la sorte ?
Si non, par rapport à nos missions…et notre quotidien ce qui se pose comme question correspond à un enjeu de société : Comment faire pour que les inégalités ne soient pas renforcées dans des moments pareils où les familles et les enfants se retrouvent isolés, parfois avec peu de ressources. Assurément les inégalités sont renforcées…
 
Quelles sont les difficultés majeures que vous rencontrez à ce stade dans votre travail et comment envisagez-vous les semaines qui viennent? 

Nous travaillons au jour le jour. En tous cas une semaine à la fois.
Nous avons annulé ce qui devait l’être et ce pour les trois mois à venir.
Le travail va commencer à être plus compliqué à organiser pour les collègues responsables avant tout d’un travail de terrain comme l’accueil des enfants chaque jour, l’animation d’ateliers qu’ils soient scolaires ou créatifs.
Notre équipe fait partie du Centre d’Action laïque du Brabant wallon. Je suis en lien très régulier avec la direction et les coordinatrices des autres pôles. Donc nous réfléchissons ensemble.
 
De quoi auriez-vous besoin (ressources, outils,) pour vous aider dans votre travail durant cette période de confinement ? 
Tant que le confinement ne dure pas davantage que quelques semaines nous travaillons avec nos outils habituels et surtout nous essayons de rester créatives et réalistes. Si le confinement devait durer davantage d’autres questions se poseraient notamment en lien avec la lutte contre les inégalités… Ou avec notre propre occupation quotidienne.

 
Y a-t-il des besoins que la solidarité, l’entraide pourraient éventuellement soutenir ? 


Au sein même de notre équipe : Nous sommes 5 collègues à la Fabrique de Soi et 4 profs bénévoles, la dynamique est positive, constructive et solidaire. Mais pour continuer à lutter contre les inégalités sociales dans le cadre de notre travail…à terme nous manquons d’outils et de ressources.

 
Quels sont les éléments positifs que vous voyez apparaître avec ce confinement, des opportunités ? 
Il est trop tôt pour tirer des enseignements.
Ce qui est sûr c’est que continuer à travailler, même depuis son domicile, maintient en forme, en projets, en lien. Cela fait du bien et nous garde motivé.e.s. Cela n’est pas possible dans le cadre de toutes les professions. Nous avons cette chance. Celle de pouvoir travailler depuis son domicile.
Nous allons aussi devoir repenser à une échelle beaucoup plus grande la question du travail dans son ensemble : La place du travail à domicile, l’organisation, la répartition du travail, etc. Mais aussi la place du travail dans nos vies.
 
Y a-t-il des ressources de solidarité, d’entraide (institutionnelles ou citoyennes) que vous auriez envie de partager? 

Avant de partager nos ressources et nos initiatives il faudrait évaluer les résultats que nous obtenons par rapport à tout ce qui a été mis en place.
Il me semble plus intéressant de rassembler les équipes ou les représentants d’équipe, par secteur d’activité, et dans le cadre d’un brainstorming tirer un maximum d’enseignements de cette période.
 
Y -a-t-il des ressources qui vous aident? Auriez-vous envie de les partager?
Le contact avec mes collègues mais aussi avec les partenaires constitue un réel soutien.
Et ce quel que soit le réseau de contact. Je trouve que tout le monde a rapidement utilisé des outils à distance et ce dès les premiers jours.
 
Si vous aviez des demandes à formuler 

- à votre secteur,
- aux autres secteurs,
- au CLPS-Bw,
- à la société civile,
- à la population,
- aux autorités,
quelles seraient-elles?

Au secteur des écoles de devoirs et de l’enseignement : Comment lutter contre les inégalités renforcées dans ce type de crise? Comment en sommes-nous arrivés à un point où la pression de la réussite Ancrescolaire est telle qu’elle continue à prendre autant de place en période de confinement ?

- Au CLPS BW : Le confinement réinterroge aussi la santé mentale tant des adultes que des enfants…Quels enseignements en tirer ?
- À la population : Qu’est-ce que le vide occasionné par cette crise provoque chez vous ?…ou plutôt qu’est-ce que les vides occasionnés en terme de divertissement, de culture, de mobilité, de consommation…provoquent chez vous sur les plans aussi bien émotionnels que sociaux qu’économiques ? Et quels changements de comportement vont-ils occasionner à court/moyen et long terme dans votre vie ?
- Aux autorités : Quels enseignements tirez-vous de cette crise ? Que va-t-elle remettre en question ? Que doit-elle remettre en question ? Lesquelles de vos certitudes cette crise a-t-elle bousculé? Enfin … Je souhaiterais un investissement massif (humain et financier) dans les services publics. Les responsables politiques, aux différents niveaux, ont sous investi l’outil d’émancipation que représente le service public. Que ce soit la santé, la justice ou encore l’éducation.

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