Vous êtes ici : Accueil / Santé et bien-être des familles / Ressources et témoignages pendant le confinement / Témoignage de Karolyn Delisé, aide familiale chez ASD

Témoignage de Karolyn Delisé, aide familiale chez ASD

 

Comment ça va au travail pour le moment, dans ce contexte de confinement ?

Ca va beaucoup mieux qu'au début du confinement. Je gère beaucoup mieux mon stress qu'il y a un mois et demi.

Ayant été en contact direct avec une famille qui avait le Covit 19. La fille est décédée, le père en voie de guérison .

J’ai été écartée durant le temps du confinement nécessaire.

Pouvez-vous décrire en quelques mots votre activité professionnelle en général ?

Mon rôle est d'intervenir dans les familles, auprès des personnes âgées, malades ou handicapées en difficulté pour accomplir tous les actes de la vie quotidienne.

Mon rôle social est de permettre le maintien à domicile des personnes et de leur assurer une bonne qualité de vie.

De quelle manière avez-vous adapté votre travail ? (lien avec les collègues, avec les usagers)

J’ai dû modifier mon mode de fonctionnement au point de vue hygiène. Tablier, masque, gants et alcool désinfectant, à chaque passage chez les usagers. C'est un exercice très difficile que de rester confinée dans son masque, pendant toute la durée du travail (8 heures).

La distanciation entre collègues et notre assistante sociale, c'est un moment hyper compliqué. Aucune réunion n'est plus possible pour les échanges d'informations. Et pourtant, il y avait beaucoup à dire, surtout au début.

Grâce à notre téléphone du travail et les mails, j'ai pu rester en contact avec certains de mes collègues et avec notre AS, pour des échanges d'informations.

Notre AS a dû faire un choix de priorité des usagers les plus faibles et isolés, afin d'assurer le  maintien de notre service. Suite à l'incertitude des contagions possibles. J'avais une certaine tristesse de les abandonner, même si c'est pour un petit moment, je l'espère.

Il y a du nouveau. A partir de mi-mai nous reprenons ces visites. 

Quelles sont les questions qui se posent dans votre travail dans ce contexte ?

Si ça devait se reproduire, j'espère ne plus devoir être face à ce genre de choix.

Comment nous sortirons de ce confinement ?

Quels seront les dégâts vécus par nos usagers, vu qu’il n’y a plus d’activités médicales (kiné, médecins, hôpitaux…). L’agravation de la santé de certaines personnes plus faibles m’inquiète…

Quelles sont les difficultés majeures que vous rencontrez à ce stade dans votre travail durant cette période de confinement ?

Manque de communication et d'outils nécessaires pour mener à bien notre bon fonctionnement.

Une salle de réunion ou audi-conférence.

Au début de la crise sanitaire, nous manquions de masques et de produit désinfectant. Petit à petit, tout est rentré dans l’ordre.

De quoi auriez-vous besoin (ressources, outils,...) pour vous aider dans votre travail durant cette période de confinement ?

La réunion d’équipe est plus qu’une nécessité pour nos échanges d’informations, surtout dans ce moment très difficile où le silence pèse sur tout le monde.

Notre AS a dû gérer cette crise et nos inquiètudes sans relâche.

Pourquoi le service informatique n’arrive pas à nous installer la plateforme réunion-conférence avec notre smartphone, à défaut d’une salle de réunion ?

Y-a-t-il des besoins que la solidarité, l'entraide (institutionnelles ou citoyennes) que vous auriez envie de partager ?

Ca rejoint la question 6.

Nous avons, bien sûr, besoin d'encouragement et de la considération dans notre métier.

Un petit coup de gueule, si je peux me permettre... Mais, où sont passées les aides ménagères ? Non seulement, nous faisons notre travail d'aide familiale qui est déjà bien conséquent, en plus s'ajoute le ménage afin de garder l'habitat propre. Par la même occasion, nous devenons coiffeuses, pendant notre prestation, et même un peu psychologue dans les moments d'inquiètudes et de tristesse... parce que nous aimons notre travail et nos usagers.

Lorsque le temps se fait trop long, sans pouvoir avoir la visite de leurs enfants, ou même sans nouvelles de leur famille, nous étions les seuls à pouvoir les voir et les distraire comme nous le pouvions. En plus, leur famille ne pouvant plus passer durant leur confinement, nous faisons aussi leur travail. C'est une surcharge pour nous.

Tout cela, nous le faisons sans broncher, mais, il y a du boulot là-dessous.

Notre travail est aussi et surtout cette relation humaine qui doit exister avec nos usagers.

Quels sont les éléments positifs que vous voyez apparaître avec ce confinement, des opportunités ?

Dans ces moments de confinement, la priorité donnée aux personnes de première ligne a rendu notre service plus visible à beaucoup de gens.

Une certaine fierté de notre travail humain, qui, jusqu'à présent était plus discret et moins connu de la population.

Exemple : dans la file d'attente des magasins, notre laisser-passer (tablier de service, le badge) nous a servi de publicité involotaire, mais bien nécessaire.

Y-a-t-il des ressources de solidarité, d'entraide (institutionnelles ou citoyennes) que vous auriez envie de partager ?

Suite à diverses interpellations des clients, lors de mes déplacements dans les grandes surfaces, concernant mon métier, ce fut l’occasion pour moi de leur présenter les différentes facettes de notre service aux personnes.

J’avais déjà rencontré ce genre d’interpellation avant le Covid19, mais cela s’est amplifié depuis quelques semaines.

Pas mal de gens ont découvert par ma disponibilité à leur égard, des ressources de solidarités qu‘ils ignoraient et vers lesquelles ils s’adresseraient si nécessaire.

Y-a-t-il des ressources qui vous aident ? Auriez-vous envie de les partager ? 

Les différentes directives reçues du centre, en temps réel, me sont toujours utiles, vu le défi permanent auquel je suis confrontée.

J’ai toujours envie de partager mon vécu avec mes collègues au hasard de ce que nous assumons chez les usagers.

C’est ce que je fais par divers canaux personnels (mail, téléphone,…)

Si vous aviez des demandes à formuler ?

A mon secteur et aux autres secteurs :

Restons toujours bien en contact les uns avec les autres. Certainement dans mon secteur et pourquoi pas avec les autres…aucune porte n’est fermée.

A la société civile, à la population :

Je demande une considération de notre métier comme un élément de la solidarité générale.

Cette considération passe nécessairement par le respect de notre travail à domicile et dans le domaine public.

Aux autorités :

Nous connaissant et appréciant l’importance de notre travail, je leur demande simplement de tout faire au quotidien pour faciliter nos interventions diverses. Par exemple, facilités de parking et garantir dans le futur l’accès rapide en cas de distanciation, dans les grandes surfaces et magasins.

Comment votre public est-il affecté par ce confinement ?

Depuis deux mois, il y a eu beaucoup de solitude et d’isolement chez nos usagers. Certains, s’en sortent, d’autres moins bien et d’autres ont parfois disparu…

Comment pensez-vous qu’il le sera lors et après le confinement ? A quoi faudra-t-il être     attentif ?

Comme je disais au point 4, les usagers les plus faibles physiquement et mentalement garderont des traces indélébiles.

Pas de kiné, pas de rendez-vous médicaux pour un suivi habituel, pas de sortie autorisée, promenades, distractions, pas de visites de la famille, amis et intervenants.

Certains ne comprennent pas ce qui leur arrive. Ils sont livrés à eux-mêmes.

Par ailleurs, il faudra envisager des suivis médicaux.

Que faudra-t-il mettre en place pour que cette période n’ait pas renforcé les inégalités (inégalités sociales, scolaires, d’accès) ?

Revoir la gestion de la santé publique.

Refaire fonctionner toutes les institutions médicales nécessaires pour récupérer leurs santés physique et morale, délaissées depuis deux longs mois.

Installer les différentes mesures nécessaires pour redémarrer l’économie.

Il y avait déjà des inégalités avant le Covid19, il ne faudrait pas qu‘elles se renforcent.

Etudier cas par cas pour venir en aide aux plus nécessiteux.

Et surtout, revoir la valorisation de notre secteur d’Aides à Domicile, ne plus nous laisser dans les oubliettes.

De quoi votre institution aurait-elle besoin pour éviter ce renforcement des inégalités pour votre public ?

A l’avenir, notre ministre devra mettre sur la liste des soignants en première ligne, les (Aides et Soins à Domicile) et surtout les Aides Familiales qui vont sur tous les fronts pendant que d’autres services extérieurs s’éloignent en délaissant leur public.

Avez-vous autre chose à dire ?

Oui. J’espère que ce long questionnaire servira à faire évoluer la mentalité de notre pays et de notre gouvernement et de nos partenaires sociaux.

Si vous donnez la possibilité aux personnes de garder leur autonomie afin de garder leur liberté, de rester encore chez elles, alors vous aurez besoin de nous sans fin.

Merci de m’avoir lue.

Votre Aide Familiale à votre service.

Karolyn Delisé

 

Actions sur le document