Expérience
Ecout'Emoi
Resumé
Ecout'Emoi est une équipe composée d’une vingtaine de professeurs et d'éducateurs à la Providence qui gèrent au quotidien le vivre ensemble dans l’école et plus particulièrement les cas avérés de harcèlement depuis 2014.
Elements de contexte
Le projet est né suite aux difficultés auxquelles étaient confrontée l'équipe éducative par rapport à deux situations de harcèlement. A l'époque, le harcèlement est géré de manière "classique" : faire parler le jeune de sa situation, confrontation harcelé-harceleur, convocation des parents, des titulaires, sanction.
Cette approche donne des résultats à court terme mais après quelques semaines, le harcèlement recommence. En plus d'être peu efficace par rapport à la situation de souffrance des jeunes (l'un d'eux a d’ailleurs quitté l’école), le processus est énergivore pour l'école, en termes de communication notamment.
Afin de développer une réponse plus "professionnelle" par rapport à ces situations délicates, l'école participe à l'appel à projet de la Fédération Wallonie-Bruxelles de 2014 concernant le harcèlement.
Objectifs
Le projet a pour objectifs principaux de :
- favoriser un climat d’école bienveillant ;
- utiliser règles, sanctions et lieux de parole pour apprendre à vivre en groupe ;
- mettre fin au "no man's land" concernant le harcèlement ;
- informer et sensibiliser les élèves au phénomène de harcèlement ;
- responsabiliser les élèves pour qu'ils soient actifs ;
- disposer d'une équipe "professionnelle" qui accompagne le vivre ensemble au sein de l'école, qui est identifiée par tous les élèves et les adultes de l'école et qui peut les soutenir ;
- gérer les cas de harcèlement à l'école ;
- impliquer tous les adultes de l’école (parents y compris) ;
- s’inscrire dans la durée.
Public
élèves du secondaire
( Adolescent Adulte-relais )
Milieu de vie
- Milieu scolaire - Ecole
Démarches et actions
1- Réponse à l'appel à projet et engagement de toute l'école
En janvier 2014, la Providence pose sa candidature à l'appel à projet de la Fédération Wallonie-Bruxelles "Prévention du harcèlement entre élèves". Celui-ci propose une formation de 3 jours avec l'Université de Paix, qui s'est spécialisée dans cette thématique, notamment la prise en charge de cas avérés de harcèlement.
Au préalable, l'école organise un sondage (écrit et anonyme) parmi les membres du personnel dans le but de mesurer le taux d’adhésion au projet. 98 % se disent motivés.
En février 2014, 20 écoles sont sélectionnées, dont la Providence.
2- Formation avec l'Université de Paix
En mai 2014, l’Université de Paix organise dans ces 20 écoles une conférence de sensibilisation et d’information sur la thématique. Au terme de la conférence, les participants sont invités à se positionner quant à leur motivation. 98 % des 134 membres du personnel de la Providence se prononcent pour la participation au projet.
En juin 2014, l’équipe ressource est formée. Elle compte 21 professeurs et éducateurs volontaires qui vont gérer et coordonner le projet.
La formation de 3 jours est organisée pour la rentrée avec cette équipe.
Un 4ème jour sera mis en place, par la suite, à la demande de l’équipe.
Ces professeurs et éducateurs sont formés à deux approches :
- des processus d’animation pour apprendre à mieux se connaître afin de mieux vivre ensemble et prévenir les phénomènes de violence.
- le programme « No Blame » qui gère les cas de harcèlement avérés. Comme son nom l’indique, "No Blame", ne sanctionne pas, d’où son aspect très innovant. Il a un but : mettre fin au harcèlement en s’appuyant sur les prises d’initiative constructives des élèves.
3- Mise en place dans l'école
Au cours de cette année scolaire, ces adultes apprennent eux-mêmes à mieux se connaître et les actions se mettent en place. L’équipe se structure et s’affirme. Une heure par semaine est attribuée à un professeur pour qu'il prenne le lead.
L'équipe anime, en collaboration avec les formateurs de l'Université de Paix, des ateliers de sensibilisation dans une classe-pilote. Suite à des harcèlements, deux processus « No Blame » sont activés. Les résultats sont rapides et excellents.
Pour le reste de l'école, la communication informelle joue un rôle important. Elle est formalisée lors d’une journée pédagogique, un atelier « Gestion harcèlement » est animé par les membres de l’équipe pour leurs collègues.
En fin d’année, l’équipe prend le nom d"Ecout’Emoi". Une adresse mail est créée, des boîtes aux lettres, Ecout'Emoi, sont placées dans l’école.
4- Communication
A la rentrée, l’équipe Ecout’Emoi se structure et prend son envol. Elle met à son calendrier le mot « communiquer », vers les élèves, les membres du personnel, les parents et le monde extérieur.
En début d’année, les élèves sont informés de l’existence de l’équipe « Ecout’Emoi » et de ses objectifs.
Pour les adultes de l'école, Ecout'Emoi organise une journée pédagogique en tout début d’année. Au cours de cette journée, tous les membres du personnel sont initiés à des activités pour apprendre à faire connaissance. Il s’agit de permettre à chacun d’utiliser ces techniques en classe. D’autre part, par le biais de jeux de rôle, tous découvrent la technique « No Blame ». Cette journée permet la compréhension et l'adhésion de toute l'école à la démarche.
En novembre 2015, en collaboration avec l'Association des Parents et l'Université de Paix, l'école organise une conférence pour informer les parents et tous les adultes intéressés.
5- Suivi et maintenance
La Cellule Ecout'Emoi fonctionne de manière complètement auto-gérée. Les élèves, professeurs et parents informés du projet, envoient leur demande (mail, RDV, discussion, tél,...) à l'équipe qui la traite. Une personne réceptionne les demandes puis l'équipe communique par courrier électronique pour déterminer les besoins de l'élève, et choisir qui va s'en charger.
Chaque année, une communication a lieu vers les élèves.
Pour que l'équipe continue à exister, la direction propose des possibilités de formation afin qu'ils continuent à se nourrir.
Une évaluation a lieu chaque année avec la Direction pour les ajustements. Les demandes concernent davantage des situations de "vivre ensemble" que de "harcèlement".
L'équipe a participé à une intervision organisée par l'Université de Paix avec d’autres écoles également formées.
6- Cercles de paroles
Depuis la rentrée 2018, les titulaires des 1ère, 2ème et 3ème utilisent de façon régulière une heure de cours pour que leurs élèves partagent leurs difficultés sous la forme de cercles de paroles. Une éducatrice a été formée au processus. Elle a initié ses collègues et coordonne tous les cercles de paroles.
Ce nouveau dispositif permet de renforcer l'ensemble du projet en travaillant en amont, dans une approche préventive.
Moyens
ressources humaines
- Deux formateurs de l'Université de Paix ;
- 21 professeurs et éducateurs formés de la Providence ;
- un leader, coordinateur de l'équipe Ecout'Emoi.
ressources matérielles
- une heure par semaine pour le coordinateur de l'équipe ;
- libération des professeurs et éducateurs pour suivre la formation, se rencontrer, gérer les situations ;
- remise à neuf d'un local pour les cercles de parole (avec des chaises, sans table).
ressources financières
- 3 jours de formation gratuits par l'Université de Paix;
- 1 jour payant (pris en charge par l'école).
Evaluation et enseignements
1- Evaluation globale
Le projet a permis d'améliorer le climat scolaire. L’école est plus sereine. Les résultats sont là : Il n'y a plus de cas de harcèlement qui remonte jusqu'au bureau de la direction. Les profs qui étaient réticents (notamment par rapport au fait de ne pas mettre de sanction) sont convaincus. Le projet est accepté par tous, il fait partie des meubles.
En ce qui concerne les élèves, ils savent que les adultes sont garants du bien vivre ensemble, il y a un cadre de sécurité qui remplace le no man’s land.
On sent une satisfaction globale, l'équipe est un vrai support. Et l'objectif de l'école de disposer d'une approche "pro" par rapport à ces problématiques est atteint.
Une évaluation a lieu en début et fin d'année avec la direction et les deux responsables pour comptabiliser le nombre d'interventions et leurs suivis mais aussi pour faire le point avec ce qui fonctionne et ce qui doit être ajusté.
2- Difficultés rencontrées
Une des premières difficultés a été de remplir l'appel à projet, pas parce que c'était compliqué à faire, c'était même relativement simple, mais parce que les écoles sont submergées de mailings. Suite à l'intervention d'un collègue qui a souligné son intérêt, il a été consulté.
Une des difficultés majeures du projet a été d'organiser quatre journées de formation pour 21 membres du personnel. L'organisation a été ardue et a nécessité beaucoup d'heures d'études, des remplacements et quelques tensions pour ceux qui devaient les assurer.
La démarche du programme "No Blame", qui ne prévoit pas de sanctions, a été un des aspects qui a soulevé le plus de résistances parmi le personnel non formé. Et cela même si les précédentes expériences avec des sanctions donnaient peu de résultats.
3- Les Facilitants
La procédure d'appel à projet était particulièrement simple et courte. C'était bien pensé.
L'intervention et la formation de l'Université de Paix sont une des clés de voute du projet. Les formateurs étaient de qualité et ils ont bien épaulé l'équipe naissante qui n'a pas été lâchée dans la nature. L'Université de Paix a été d'un grand soutien dans l'animation des classes pilotes.
Au niveau pratique, le travail sur les représentations, qu'elles soient partagées par tous a été d'un grand soutien. L'engagement et l'accord de tous au début du projet a permis de calmer les tensions du début.
Le travail avec les jeux de rôles qui font appel aux "tripes" plutôt qu'au mental a permis de convaincre les professionnels concernant l'approche "sans sanction" qui était la plus difficile à faire passer. En vivant le rôle de harcelé,un professeur commente " Je me rends compte de que ressent la personne harcelée. Je voulais juste que ça s'arrête, la sanction ne résout rien".
En ce qui concerne la cellule, l'équipe Ecout'Emoi, une des forces est la motivation et l'engagement de ses membres mais aussi leur variété (profs et éducateurs, de toutes les sections et de toutes les années) et leur nombre.
Une fois formé, le groupe a existé tout de suite. Il s'est organisé tout seul et la sauce a pris.
4- Quelques Conseils
- suivre scrupuleusement la procédure proposée par l'Université de Paix et l'appel à projet, c'est-à -dire bénéficier d'une formation de qualité et d'un suivi dès la première année ;
- former une équipe nombreuse et volontaire ;
- avoir l'adhésion de l'ensemble de l’école est indispensable pour se lancer et continuer à exister;
- prendre le temps, ne pas aller trop vite, laisser le temps d’appropriation par le groupe porteur;
- donner une large autonomie au groupe, c'est-à-dire avoir, en tant que directrice, une vision et des objectifs clairs mais leur laisser une grande liberté quant aux moyens et au timing. Accepter de lâcher prise ;
- donner une heure de cours par semaine à un professeur pour prendre le lead de l'équipe.
Perspectives envisagées
L'équipe Ecout'Emoi poursuit ses activités.
Progressivement, d'autres actions complémentaires sont mises en place. Des ateliers de massage assis (« Ammassado ») ont été mis en route et complètent le côté plus mental des cercles de paroles. Des ateliers de pleine conscience sont également prévus en début de parcours.
La logique de mise en place part toujours du même canevas : initiatives des membres du personnel, regroupement de personnes intéressées, formation par un formateur extérieur certifié, expérimentation de terrain par la direction, mise en place du processus avec un coordinateur, une communication à tous de l’outil et du cadre de travail (qui peut faire quoi ?) puis autonomie de moyens et de timing du groupe et évaluation chaque année.
Pour aller plus loin
Contacter l’Université de Paix. Il faut commencer avec cette équipe. Et prendre leur processus.
• Institut de la Providence
• 2014-
• Wavre
Formation de l'Université de Paix
• Nathalie Renouprez et Francine Mertens
• ecout-emoi@providence-wavre.be
18-10-2021