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Témoignage de la Maison Médicale de Mont-Saint-Guibert

Comment ça va au travail pour le moment, dans ce contexte de dé-confinement ?

C’est agréable de revoir les patient·e·s de visu, car travailler dans une maison médicale, c’est avant tout pratiquer un métier humain. Les mesures, la désinfection, le port du masque, sont néanmoins pesants. Et malgré les précautions, nous avons constamment la crainte d’être vecteur·rice·s par rapport à certain·e·s patient·e·s très fragiles.

Pouvez-vous décrire en quelques mots votre activité professionnelle en général ?

La maison médicale regroupe une équipe pluridisciplinaire : trois médecins généralistes et un assistant, trois kinés, trois psychologues, une infirmière, deux accueillantes. Les consultations se tiennent à la maison médicale et il y a des visites à domicile.

Pouvez-vous expliquer en quelques mots la manière dont le confinement a modifié votre travail ?

  • Pour les kinés : de la mi-mars à la mi-avril, un des trois kinés gérait les urgences, les deux autres n’ont effectué aucun traitement. Ensuite, le travail a repris progressivement. Ils et elles ont néanmoins continué à prendre des nouvelles de leurs patient·e·s par téléphone, par sympathie.
  • Les psychologues ont découvert les consultations par vidéo-conférence ou par téléphone. Certain·e·s patient·e·s ont préféré attendre la reprise des consultations de visu.
  • Les médecins généralistes ont géré au maximum leurs consultations par téléphone, envoyé au centre de tri les patient·e·s qui avaient besoin d’un examen clinique ou d’un frotti. Ils et elles suivaient au fur et à mesure les recommandations de Sciensano[1] à destination des professionnel·le·s de la santé. Avec le déconfinement, les consultations ont pu reprendre au sein de la maison médicale, sauf en cas de symptômes suspects Covid (ces patient·e·s peuvent toutefois être reçu·e·s si nécessaire en fin de consultation). Les rendez-vous sont passés de 20 à 30 minutes pour éviter les retards et permettre une désinfection adéquate entre chaque patient·e.
  • Pour les accueillantes : elles ont fait du télétravail pendant un mois, avec déviation des appels sur leur GSM. Elles sont ensuite retournées à la maison médicale mais la salle d’attente reste fermée pour l’instant.  

       

Comment le déconfinement se passe-t-il ?          

Il y a beaucoup de travail au niveau de la médecine générale, un peu moins au niveau kiné (les gens veulent revenir mais annulent parfois leur rendez-vous en dernière minute). Concernant l’accueil, le mode de communication est différent étant donné que la salle d’attente est fermée. Il y a beaucoup moins de contacts directs avec les patient·e·s mais les appels téléphoniques sont beaucoup plus longs : prendre des nouvelles, appliquer la procédure obligatoire de questionnaire par rapport à d’éventuels symptômes, …

Quelles sont les questions qui se posent dans votre travail dans ce contexte ?         

  • La question de la balance entre les risques et les bénéfices pour chaque personne reçue, en particulier pour les plus fragiles d’entre elles. Les télé-consultations ont permis de dépanner mais nous ne souhaitons pas les poursuivre, elles sont trop limitatives dans la durée.
  • La question des aidant·e·s proches et des personnes âgées, comment les sortir de la solitude, aggravée par le contexte.
  • La question du télétravail, et par conséquent du bien-être au travail.  Les situations avec deux parents en télétravail et les enfants à la maison n’ont pas été évidentes à gérer. Ceux·celles-ci ont besoin de pouvoir déconnecter, d’avoir du temps pour autre chose.

 

Quelles sont les difficultés majeures que vous rencontrez à ce stade dans votre travail et comment envisagez-vous les semaines qui viennent ?

  • Pour l’accueil,  il est difficile de gérer la longueur des appels et le retour des patient·e·s. Avec les consultations rallongées de dix minutes et les médecins en vacances, il y a moins de disponibilité. Il faut également réhabituer les patient·e·s à ce que les ordonnances ne soient plus envoyées par mail ou directement à la pharmacie.
  • Il est parfois culpabilisant de laisser le reste de l’équipe pour partir en vacances.
  • La ponctualité est essentielle pour pouvoir gérer les mesures d’hygiène qui sont parfois lourdes.
  • Il y a un retour massif des patient·e·s en médecine générale.

 

De quoi auriez-vous besoin pour vous aider dans votre travail durant cette période de déconfinement ?            

De partager nos idées en équipe, se revoir « en vrai », garder la dynamique d’équipe via les réunions (qui pour l’instant ne se font qu’en comité réduit avec un·e repésentant·e par secteur).                             

Y a-t-il des choses que vous souhaiteriez garder de la période de confinement ?                 

  • L’élan de solidarité général.   
  • La collaboration des patient·e·s, globalement très attentif·ve·s à la procédure à suivre.          

 

De quoi auriez-vous besoin pour aborder au mieux la suite ?  

  • Garder du temps pour soi, trouver le bon équilibre entre vie privée et vie professionnelle.
  • Continuer sur la lancée de solidarité et de collaboration des patient·e·s.

 

Comment votre public est-il affecté par cette période ?           

Notre public a été particulièrement touché par la solitude, l’isolement, le stress dû au chômage technique voire au licenciement pour cause économique, les deuils difficiles.

Que faudrait-il mettre en place pour que cette période n’ait pas renforcé les inégalités (inégalités sociales, scolaires, d’accès...) ?          

  • Maintenir l’obligation scolaire en maternelle et primaire. Cette période a révélé l’importance des liens sociaux.
  • Combler l’inégalité d’accès à l’informatique. 

 

De quoi votre institution aurait-elle besoin pour éviter ce renforcement des inégalités pour votre public ?            

  • Préserver l’accès aux soins.
  • Refinancer le secteur psycho-médico-social, augmenter le personnel pour gérer les visites en maison de repos, …
  • Habiliter une personne pour prendre contact avec les personnes les plus fragilisées et isolées, les seniors, … Parfois, les gens qui ont le plus besoin d’un suivi ne se manifestent pas par peur de déranger.

 

Avez-vous autre chose à dire ?

Nous sommes marqué·e·s par les deux extrêmes que nous constatons dans la société en cette période : une grande solidarité d’un côté, une profonde solitude de l’autre.



[1] Institut de santé publique qui offre son expertise scientifique, en particulier en cette période de crise sanitaire. On retrouve notamment sur leur site les informations et procédures les plus récentes à propos du Covid 19.

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